ZNet : Pouvez-vous dire à ZNet, s'il vous plaît, de quoi parle votre nouveau livre ? Qu’essaye-t-il de communiquer ?
« Stratégies efficaces pour affronter les sociétés transnationales » est le produit d'un projet de recherche collaboratif que j'ai récemment coordonné pour le Réseau de recherche Asie-Pacifique (APRN). Avec un secrétariat à Manille, l'APRN a été créée en 1999 pour développer la coopération entre les centres de recherche alternatifs, les ONG et les mouvements sociaux en Asie et dans le Pacifique afin de renforcer le plaidoyer de la communauté jusqu'au niveau mondial. Elle compte désormais 33 membres dans 15 pays.
Le projet et ce livre sont nés de la nécessité de mener davantage d'évaluation, de réflexion, d'analyse et de partage d'expériences, de défis, de revers et de réussites dans la lutte contre les sociétés transnationales (STN) dans la région Asie-Pacifique. Il explique comment des campagnes particulières ont été menées et des stratégies spécifiques employées, afin d'identifier des stratégies et des tactiques qui peuvent être utiles pour affronter les STN dans différents contextes.
Il existe cinq études de cas, toutes rédigées par des organisations/organisateurs impliqués dans les campagnes. J'ai rédigé un bref aperçu/introduction sur les STN dans la région Asie-Pacifique à l'ère de la mondialisation néolibérale, ainsi qu'une section de conclusion qui identifie certains thèmes, préoccupations et facteurs communs découlant des études de cas.
Les études de cas comprennent des campagnes nationales, régionales et mondiales. Les contributeurs/campagnes sont :
a) PAN AP (Pesticides Action Network Asia-Pacific, Malaisie) : analyse de la campagne de PAN pour résister aux STN agrochimiques dans la région Asie-Pacifique.
b) TIE-Asia (Transnationals Information Exchange – Asia) – un examen des stratégies utilisées par les travailleurs, les syndicats et les organisations syndicales dans la campagne pour le droit de s'organiser, de former et d'adhérer à des syndicats et de négocier collectivement dans les zones de libre-échange du Sri Lanka.
c) Moses Havini, Représentant international du Congrès populaire de Bougainville : la longue lutte des peuples autochtones de Bougainville, petite île du Pacifique contre l'immense mine de cuivre CRA/RTZ (Conzinc RioTinto Australia/Rio Tinto Zinc) à Panguna qui a culminé dans la fermeture forcée de la mine en 1989, une guerre de dix ans qui a ouvert la voie aux démarches actuelles d'indépendance de Bougainville.
d) IBON (Philippines) : analyse de la campagne de 1997 contre les STN pétrolières aux Philippines et de la mobilisation de milliers de Philippins contre la déréglementation de l'industrie pétrolière imposée par le gouvernement philippin, soutenue par le FMI.
e) Association d'éducation et de recherche pour les consommateurs, Malaisie (ERA Consumer Malaysia) : rapport sur la campagne sur le lait pour bébé en Malaisie, qui faisait partie d'une campagne internationale majeure contre les STN comme Nestlé qui ont fait la promotion agressive des préparations à base de lait pour nourrissons, en particulier dans le Sud global.
ZNet : Pouvez-vous dire quelque chose à ZNet sur l'écriture du livre ? D'où vient le contenu ? Qu’est-ce qui a permis de faire du livre ce qu’il est ?
L'APRN organise des conférences annuelles sur différents thèmes. En septembre 2001, nous nous sommes rencontrés à Sydney, en Australie. Le thème était « Pouvoir des entreprises et pouvoir du peuple : sociétés transnationales et mondialisation ». De nombreuses organisations membres de l’APRN ont une longue histoire de recherche, d’analyse et de confrontation avec les STN. La conférence de Sydney a renforcé la nécessité urgente de poursuivre les recherches sur la riche expérience des luttes populaires pour contester les diverses manifestations du pouvoir économique et politique des entreprises.
En tant que militants et chercheurs au sein de mouvements, d’ONG, de syndicats et de communautés de résistance, nous sommes souvent très doués pour analyser et exposer le rôle et l’impact des opérations des STN. Ou encore en parlant du « pouvoir des entreprises » dans un sens politique et économique plus large. Ce qui semble beaucoup plus difficile est de donner la priorité à l’évaluation des campagnes dans lesquelles nous sommes impliqués et de trouver des moyens d’articuler et de partager nos expériences concrètes, nos succès, nos échecs, nos tensions et nos compréhensions de nos luttes avec les autres.
En construisant une résistance transnationale au capital des entreprises, des communautés de pays très différents sont souvent confrontées aux mêmes STN. Que pouvons-nous apprendre des autres luttes contre le même ennemi ? C’est une partie importante de la raison d’être de ce livre.
Les contributeurs aux études de cas se sont portés volontaires ou ont été contactés pour écrire sur des campagnes spécifiques contre les STN. Le projet s'est déroulé entre mi-2002 et mi-2003. Je pense qu'il est juste de dire que ce fut tout un défi pour toutes les personnes impliquées d'analyser et d'articuler leurs expériences concrètes de campagnes. Écrire sur ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné et pourquoi n’est pas toujours aussi simple. Mais les résultats sont très intéressants à lire. Il existe également une liste de ressources pour d’autres ressources sur les campagnes contre les STN.
ZNet : Quels sont vos espoirs pour des « stratégies efficaces face aux sociétés transnationales » ? Qu’espérez-vous que cela apportera ou réalisera, politiquement ? Compte tenu des efforts et des aspirations que vous avez déployés pour le livre, qu’est-ce que vous considérerez comme un succès ? Qu’est-ce qui vous rendrait heureux dans l’ensemble de cette entreprise ? Qu’est-ce qui vous amènerait à vous demander si cela valait la peine de consacrer tout ce temps et tous ces efforts ?
Les études de cas présentées dans ce livre sont importantes en elles-mêmes, mais elles ne représentent que la pointe de l’iceberg. Il y a bien d’autres histoires à raconter, rien que dans la région Asie-Pacifique, sans parler du reste du monde. Il ne s’agit pas d’un manuel expliquant comment mener une campagne réussie contre une société transnationale en tant que telle, mais je pense qu’il y a des leçons précieuses à tirer de ces cas. Si le livre est une ressource qui encourage les autres à réfléchir, analyser, évaluer, articuler et partager leurs expériences concrètes de lutte contre les STN, ce serait un excellent résultat.
Trouver le temps et l’espace pour le faire peut présenter de réels défis, même pour les militants chevronnés, les militants et les communautés en lutte. Néanmoins, je pense qu’il est impératif de le faire si nous voulons construire des campagnes et des mouvements plus forts et plus efficaces contre le capitalisme d’entreprise. Cela ne signifie pas nécessairement que nous devons simplement écrire davantage de livres, d’articles ou de documents, mais nous devons sérieusement créer des processus d’auto-évaluation dans nos organisations, nos luttes et nos campagnes.
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