Ces dernières semaines, voire ces derniers jours, ont été marquées par une énorme escalade du conflit au Moyen-Orient. Israël a réoccupé la bande de Gaza, mené une attaque totale contre le Liban dans le but de détruire le Hezbollah et de remodeler les autorités politiques du Liban, et a menacé la Syrie et la Jordanie de déploiements militaires et aériens. Israël l’a fait unilatéralement et illégalement, en invoquant sa propre doctrine d’« intervention préventive », sans la sanction du Conseil de sécurité des Nations Unies.
Les attaques israéliennes contre Gaza et le Liban se sont produites d’une manière qui viole clairement le droit international. Cela se voit dans la « punition collective » sévèrement infligée aux Palestiniens de Gaza et aux civils libanais ; et cela se voit dans la destruction massive et flagrante des infrastructures civiles et dans le grand nombre de civils assassinés à Gaza et au Liban. Les actions d’Israël se heurtent à la condamnation de l’opinion mondiale et de la grande majorité des États du monde. Les États-Unis et le Canada sont deux exceptions à l’opinion mondiale, à la fois approuvant et justifiant le comportement voyou d’Israël, apparemment sans aucune limite morale pouvant être violée par rapport à une conduite internationale acceptable dans le cas d’Israël.
Aujourd'hui encore, la violence a coûté la vie à au moins sept Canadiens (et de nombreuses autres victimes canadiennes) au Liban à la suite de l'agression militaire israélienne, selon les médias. La réponse des autorités canadiennes a été celle que l'on pouvait attendre du gouvernement conservateur du premier ministre Stephen Harper : suivre l'impérialisme américain ; un changement idéologique vers l'agressivité militaire et la défense d'Israël quelles que soient les actions qu'il entreprend et quelles que soient les violations du droit international, des décisions judiciaires et de l'opinion publique ; et la négligence administrative et l'incompétence à répondre aux besoins des citoyens canadiens, en particulier de ceux qui ne peuvent revendiquer une ascendance européenne. Le gouvernement libéral précédent de Paul Martin avait déjà commencé à s'orienter dans ces directions en soutenant le déploiement militaire canadien dans un rôle de combat dans le sud de l'Afghanistan et en se rangeant du côté des États-Unis, d'Israël et de quelques autres États vassaux américains dans des résolutions présentées aux États-Unis. Nations Unies sur l'échec d'Israël à faire respecter les résolutions des Nations Unies sur la Palestine et d'autres questions liées aux droits de l'homme. Plutôt que de maintenir son soutien historique au multilatéralisme et à la primauté du droit international, le Canada défend désormais le droit d’exercer des mesures militaires unilatérales pour les États-Unis et Israël, ainsi que des règles internationales distinctes sur une multitude de questions. Dans le même temps, le Canada suit hypocritement les États-Unis en prétendant vouloir uniquement obliger la Corée du Nord, l’Iran, le Venezuela et d’autres à respecter les règles et normes internationales. Selon la nouvelle position de politique étrangère du Canada, certains États auraient apparemment droit à une souveraineté extraterritoriale, et certains États ne pourraient exercer leurs droits souverains qu’à la discrétion des autres.
Harper a adopté ces positions avec encore plus de vigueur que les libéraux précédents, invoquant continuellement tous les clichés américains sur la façon dont le monde a changé depuis le 9 septembre. Harper a fait du Canada le premier pays à imposer des sanctions au gouvernement du Hamas nouvellement élu dans les territoires palestiniens – des sanctions qui sont devenues le véritable déclencheur de l'escalade des hostilités (et non la réplique bidon des médias accusant l'enlèvement d'un soldat israélien au frontière de Gaza, tout en ignorant les sanctions israéliennes et occidentales contre le gouvernement palestinien et le meurtre par des roquettes israéliennes de citoyens palestiniens sur la plage de Gaza). En effet, non seulement Harper a aligné le Canada avec les États-Unis lors des réunions du G11 pour défendre les bombardements israéliens au Liban, mais Harper a été le défenseur le plus véhément de la « proportionnalité » des assauts israéliens à la fois à Gaza et au Liban. À Londres, alors qu’il se rendait à la réunion du G8 en Russie, Harper a qualifié les attaques féroces d’Israël de « réponse mesurée ». (On pourrait cyniquement observer à quel point la poursuite du conflit au Moyen-Orient contribue aux efforts de Harper pour vendre les sables bitumineux de l’Alberta au gouvernement américain et aux monopoles pétroliers, et à quel point Harper vante le Canada comme une « superpuissance énergétique ».)
Avec tant d’efforts consacrés à des postures idéologiques, l’incompétence administrative du gouvernement Harper à aider les Canadiens bloqués au Liban est choquante. La bureaucratie des Affaires étrangères s’efforce de lier encore plus étroitement le Canada à l’empire américain et de préparer le voyage de Harper au G8. Le malheureux ministre des Affaires étrangères Peter MacKay est en vacances en Nouvelle-Écosse ; MacKay a suggéré de façon comique dans une interview télévisée aujourd'hui que les Canadiens au Liban se connectent à la connexion Internet la plus proche pour contacter l'ambassade du Canada sur la façon de quitter le Liban ! Une telle incompétence des néolibéraux dans la gestion des rouages fondamentaux de l’État n’est pas nouvelle, mais elle est hors de propos. En effet, la position du gouvernement est une honte nationale après que des citoyens canadiens ont été tués par des bombardements illégaux de cibles civiles par Israël. Il s’agit précisément de l’attentat à la bombe que le premier ministre Harper a explicitement approuvé comme étant une « réponse mesurée ». Le gouvernement canadien, tout comme le régime israélien, a le sang des Canadiens (et bien sûr de centaines de civils innocents dans la région) sur les mains.
C'est une position de politique étrangère très regrettable, irresponsable et moralement troublante que le Canada endosse maintenant : une intégration plus étroite dans les positions de politique étrangère des États-Unis, y compris la doctrine du droit des États-Unis et d'Israël seuls à recourir à une « intervention préventive » militaire, en dehors des toute sanction du Conseil de sécurité de l'ONU ; un alignement sans réserve sur les interventions militaires américaines et israéliennes, y compris des déploiements militaires canadiens plus actifs ; et le mépris politique et bureaucratique envers les Canadiens qui pourraient faire obstacle à ces positions de politique étrangère (qu’il s’agisse de Canadiens bloqués au Liban ou de Canadiens extradés illégalement dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme » des États-Unis). Le silence (dans le cas des Libéraux) et le désarroi (dans le cas du Bloc Québécois et du NPD) des forces de l'opposition parlementaire ont été frustrants. Mais compte tenu de leur timidité à s’opposer activement aux conservateurs de Harper et de leurs propres réalignements politiques en termes de néolibéralisme et de positions de politique étrangère canadienne, on ne peut pas dire que leur absence d’opposition virulente soit surprenante.
Il est clair qu’il faut mettre fin immédiatement aux attaques israéliennes contre le Liban et à Gaza (ainsi qu’aux incursions signalées en Syrie et en Jordanie). Ces attaques ont coûté la vie à des centaines d’innocents et entraîné une destruction catastrophique des infrastructures civiles dans le cadre d’actes de « punition collective » commis par Israël en violation du droit international. Les sanctions et l'embargo sur Gaza, y compris sur la nourriture et les fournitures médicales, qui conduisent à un désastre humanitaire, doivent également cesser immédiatement. Les gouvernements du monde entier ainsi que les mouvements pacifistes canadiens et internationaux doivent rejeter la tentative des États-Unis et d’Israël de déterminer unilatéralement qui est ou non un gouvernement souverain acceptable et de redessiner unilatéralement les frontières politiques et territoriales du Moyen-Orient. L’attention du monde doit se tourner vers l’emprisonnement massif et les violations des droits humains des Palestiniens par Israël, notamment l’incarcération d’enfants dans les prisons israéliennes ; les violations par Israël des tribunaux internationaux lors de la construction du mur de séparation de l’apartheid (une grande partie bien au-delà des limites de ses frontières de 1967 dans le cadre d’un accaparement ouvert de terres, même au-delà des colonies illégales en place en Cisjordanie) ; la tentative d’absorber complètement Jérusalem-Est par Israël ; et la nécessité de négocier un État palestinien pleinement indépendant et souverain (pour lequel il n’est pas clair qu’Israël considère qu’il a réellement le droit d’exister, compte tenu de ses pratiques réelles à l’égard de l’Autorité palestinienne). Sans ces mesures, il n’y aura certainement pas d’apaisement du conflit entre Israël et ses États limitrophes ; la justice sociale pour les Palestiniens et les mêmes droits souverains à l'autonomie gouvernementale et à l'autodétermination nationale que tous les autres peuples du monde ; ou la fin de l'instabilité politique qui sévit dans l'ensemble du Moyen-Orient. Le chaudron du Moyen-Orient continuera à bouillir et crise après crise reviendra au Liban. Les Canadiens doivent demander des comptes au gouvernement Harper pour expliquer pourquoi il continue d’attiser les flammes du conflit au Moyen-Orient et comment ses actions ont contribué à la perte de civils canadiens au Liban et de soldats canadiens en Afghanistan. Cette journée sanglante et horrible doit en ressortir du bon.
Greg Albo enseigne l'économie politique à l'Université York.
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