Les pratiques des organisations affiliées au Droit à la ville à travers le monde varient considérablement, mais ont de nombreux points communs. Les rapports de groupes en Europe et aux États-Unis, de la Grèce à la Hongrie en passant par l'Allemagne, la France, le Portugal, l'Espagne et les États-Unis – présentés lors d'une récente conférence à New York [1] – ont révélé à la fois des similitudes et des différences frappantes, avec un point commun : un élan derrière eux et un enthousiasme commun dans l'action. Ce qui suit est une tentative de cadre pour séparer les composantes des politiques de ces groupes, et est basé sur l'analyse des exploités, des exclus et des mécontents.[2] Avec des hypothèses sur les types de réponses qui pourraient être générées. La question pourrait être posée de savoir comment chaque élément peut être lié aux différentes lectures du Droit à la ville énumérées dans une discussion précédente.[3] La liste n’a pas pour but d’être exhaustive, ni de porter des jugements de valeur quant aux « bonnes » ou aux « mauvaises » approches, mais plutôt de contribuer à approfondir la discussion sur des objectifs et des pratiques alternatifs.
1. Circonscription cible ? Comment sont-ils définis ? Comme les pauvres, la classe ouvrière, les immigrés, les minorités ethniques ou « raciales » ou religieuses ? Par âge? Par statut juridique, par sexe, par orientation sexuelle ? Par les relations de travail, la syndicalisation, les taux de salaire, les conditions de travail ?
Hypothèse: Ouvert à tous en théorie, mais en pratique : des groupes parmi les exploités, les exclus et les mécontents, avec un dénominateur commun : mal servis par le capitalisme de marché et l'urbanisation, parmi ces groupes les priorités sont déterminées par l'histoire et la situation sociopolitique existante. . Dans la pratique, « tout le monde » ne constitue pas la circonscription, sauf à très long terme : certains ont déjà droit à la ville et l’utilisent pour en exclure d’autres.
2. Objectif du problème? Gentrification/déplacement presque toujours, directement ou indirectement, logement abordable, sans-abrisme, environnement, soins de santé, programmes sociaux, emplois, discrimination fondée sur la « race », l'origine ethnique, le sexe, la préférence sexuelle, le statut d'immigration, la pauvreté, la mondialisation, le développement des communautés locales/ préservation?
Hypothèse: Les problèmes de communauté plutôt que de lieu de travail, se concentrent presque toujours sur un seul problème parmi eux, le plus souvent la gentrification/déplacement ou le logement/sans-abrisme, mais impliqués et soutenant d'autres campagnes et groupes.
3. Base de l'organisation? Basé sur un problème ? Basé sur la communauté ou le quartier ? En ville ? National? Actif en tant qu'organisation unique ou coalition d'organisations ? Basé sur l’adhésion, avec des non-membres « alliés » ? Personnel rémunéré et/ou bénévoles ? Si local, lien avec l'Alliance nationale ? Des liens mondiaux ?
Hypothèse: un certain niveau de personnel rémunéré est nécessaire ; les cotisations sont utiles pour l'organisation mais pas suffisantes pour financer les activités souhaitées, relation de principe avec la recherche de sources mais avec des tensions. Des actions plus souvent organisées par des groupes membres individuels de l'Alliance pour le droit à la ville que par la coalition/alliance elle-même, mais qui espèrent des niveaux élevés de coopération et d'unité. Les liens avec des groupes nationaux et mondiaux stimulent le moral et l'information, mais sont essentiellement distincts des activités locales.
4. Organisation interne? Démocratie participative ? Démocratie formelle ? Un leadership fort ? Spontanéité souhaitée ? Des programmes explicites d’auto-éducation et de formation ? Utilisation d’opportunités/organisations éducatives extérieures ?
Hypothèse:[ Peu d'informations directes disponibles.] Fort accent mis sur la démocratie participative, mais en pratique dépendant de manière significative de l'étendue et de la qualité du leadership, avec des tensions occasionnelles entre efficacité et démocratie. Un besoin partagé et non satisfait d’éducation élargie et de discussions internes.
5. Stratégies, tactiques? Des manifestations ? Des piquets de grève ? Relations publiques? Des pétitions ? Implication dans la politique électorale, autour des enjeux ? Autour des candidats ? Autour des fêtes ? Des sit-in ? Occupation d’espaces publics et/ou privés ? Grèves, basées sur le lieu de travail ?
Hypothèse: Tous les groupes apprennent de leur expérience, de la leur et de celle des autres. Les relations avec les médias sont importantes et méritent une attention particulière. Niveau de militantisme plus déterminé de l’extérieur (niveau de crise, etc.) que par des décisions internes. Dépend en partie de la position idéologique quant à l’opportunité d’un consensus/de gagner des conflits pour le pouvoir.
6. Situation historique? : Comment les réponses aux questions ci-dessus dépendront-elles du niveau de prospérité économique ? Crise économique? Sentiment d’amélioration ou de baisse du niveau de vie ? Des politiques des 1% ? Niveau/position dans le processus de mondialisation ? Des formes juridiques, gouvernementales et culturelles historiquement établies ? Implication dans la guerre ? Rôle des militaires ? La corruption?
Hypothèse: Dépend, non pas du niveau absolu, mais à la fois du changement perçu : les conditions s'améliorent ou se détériorent, et de l'injustice perçue : les inégalités augmentent ou diminuent, le respect accordé ou refusé ?
7. Rôle de l'État ? L’État est-il considéré comme un ennemi ? Un ami (peu) fiable ? Une considération secondaire ? Un champ de bataille ? Une cible d’action ?
Hypothèse: L’attitude dépendra des politiques des 1 % : cherchent-ils à coopter et à apaiser, comme dans les politiques de l’État providence, ou à contrôler, et si contrôle, par la force, la répression policière, la criminalisation, ou en tolérant/encourageant la droite ? des groupes d'opposition, comme le Tea Party ou les skinheads ? Mesures d'austérité? Offensive idéologique néolibérale ? La structure formelle du gouvernement permet-elle une influence significative des groupes ?
8. Motivation? Qu’est-ce qui motive l’adhésion : difficultés économiques ? Insécurité? Perte de prestations, actuelle ou future ? Un présent frustré ou des aspirations élargies ? Un sentiment d'injustice ? Des atteintes à la dignité ? Instincts, « conscience »,[4] analyse théorique ? Système de croyance, historique ou manipulé ?
Hypothèse: Certes condition matérielle pour les exploités et les exclus, construite pour eux comme pour les mécontents sur des questions de dignité, de respect, de discrimination, d'injustice, de fond.
9. Théorie directrice? Quelle explication des conditions actuelles guide la stratégie ? Marxiste? Conflit de classe ? Keynésien ? Tendance inhérente à la crise ? Foucault ? Lefebvre? Saül Alinsky? Piven et Cloward ? Pluralisme? Une nouvelle gauche ? Le mondialisme ? Anarchiste? Agence ou structure ? Comment la théorie influence-t-elle la stratégie ? Est-ce reflété dans un énoncé de mission ?
Hypothèse: Développement d’une théorie explicite largement guidé par la nécessité de placer les actions immédiates dans un contexte, en évitant la grande théorie. S'appuyer sur une compréhension généralisée de l'expérience vécue. Souvent en réaction à la théorie dominante, par exemple l'austérité favorise la croissance, le salaire minimum coûte des emplois, la fourniture de logements abordables sape l'incitation au travail. Utilisation limitée des « alliés », interaction avec les mécontents. « Anticapitaliste » peut être un bon dénominateur commun.
Rassembler les hypothèses pourrait être une sorte d’esquisse des expériences collectives des groupes.
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1. Parrainé et organisé par la Fondation Rosa Luxemburg à New York, le 22 novembre 2013. Voir www.roselux-nyc.org.
2. Pour une version antérieure, voir Blog #6 – «Pour Occupy, que signifie 99%», sur pmarcuse.wordpress.com.
3. Voir le blog n°40 – « Lire le droit à la ville » sur pmarcuse.wordpress.com. [1]
4. Voir Herbert Marcuse, Essai sur la libération
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