Cela fait presque quatre semaines. Quatre semaines qui ont changé le paysage politique de tout l'État espagnol avec l'émergence d'un mouvement auquel personne ne s'attendait et qui a été crédité de deux victoires politiques, d'abord contre le Conseil des élections et ensuite contre la tentative d'expulsion de Barcelone. C'est un mouvement qui a surtout mis fin à la résignation passive face aux atteintes à nos droits sociaux.
Après des jours d’activisme intense, les effets de la fatigue et de l’épuisement se sont fait sentir dans les camps de contestation. Les difficultés de gestion d’un grand nombre d’entre eux sont également perceptibles. Le temps du camping est révolu.
Les camps de protestation et les occupations de places publiques ne sont pas une fin en soi. Ils ont agi à la fois comme une référence symbolique et une base, un levier pour propulser les manifestations futures et un haut-parleur pour amplifier celles qui se produisent actuellement. S'élever encore plus loin d'une position de force, en maintenant le rythme de la lutte, et ne pas entrer dans une spirale de déclin, dont nous avons vu les signes ces derniers jours, est le pas à franchir maintenant. Et c’est effectivement le pas que franchissent, certes avec quelques difficultés, beaucoup d’occupants encore des places.
L’enjeu est de savoir gérer notre réussite, de passer à l’étape suivante et d’utiliser l’énergie des camps contestataires pour avancer. Un calendrier de mobilisation immédiate se dessine dans les camps, ce qui devrait servir à la fois de point culminant à la phase commencée le 15 mai et aussi marquer le début de la phase suivante et commencer à déplacer le centre de gravité du mouvement.
Il y a d'abord eu les manifestations du samedi 11 juin dans de nombreux endroits pour marquer la création de nouvelles municipalités, après la répression brutale de la protestation devant le tribunal de Valence le 9 février lors de la séance d'ouverture du Parlement et de l'inauguration du nouveau parti de droite. gouvernement régional de l'aile.
Deuxièmement, les manifestations dans les bureaux de plusieurs institutions contre les politiques de coupes dans les services sociaux, à la suite des manifestations du 8 juin devant le Congrès des députés à Madrid contre la réforme de la négociation collective et du vendredi 10 juin au siège du ministère de Travail. Parmi les rassemblements prévus, les 14 et 15 juin au Parlement catalan pour organiser un camp de protestation, un rassemblement et un blocus du Parlement revêtent une importance particulière. Une bonne mobilisation le jour où le Parlement plénier commence à discuter du budget peut être un moment clé dans la lutte contre les coupes budgétaires prévues ces derniers mois en Catalogne, notamment dans les domaines de la santé et de l'éducation. Cela peut également servir de référence pour de futures mobilisations dans d’autres régions, où l’on commencera également à annoncer des coupes budgétaires pour l’automne prochain.
Troisièmement, nous devons préparer le 19 juin dans tout l'État espagnol, dont le thème général, proposé par le camp de Barcelone, est "Les rues sont à nous. Nous ne paierons pas pour votre crise", ce qui devrait servir à traduire la solidarité qui s'est transformée à travers les camps de protestation en un mouvement de rue pour l'emploi et pour renforcer le caractère de masse du mouvement. L’enjeu est de démontrer l’expansion politique et sociale du mouvement du 15 mai.
Au-delà de la mobilisation immédiate pour la semaine prochaine, il nous faut établir une feuille de route pour la prochaine étape. Il faut aussi dresser une liste de revendications fondamentales qui combinent un discours général critique du modèle économique actuel et de la classe politique, dans l'esprit du slogan du 15 mai : « Nous ne sommes pas des marchandises entre les mains des politiques et des banquiers. ", avec des propositions concrètes. Compte tenu de l’absence d’un programme commun au sein des camps de protestation, la proposition formulée à Barcelone semble la plus cohérente et constitue politiquement une bonne référence pour les manifestations futures.
Dans cette nouvelle période, nous ne pouvons pas perdre de vue les symboles que les camps de protestation et d’occupation ont établis. Il est important de conserver ces symboles comme élément de continuité et de mémoire. Ainsi, de nombreux camps, au moment de se séparer, ont accepté de conserver certaines petites infrastructures (bureau d'information, etc.) et de convoquer des réunions régulières.
Les chemins que nous devons emprunter dans les mois à venir semblent clairs. Premièrement, renforcer le mouvement populaire, responsabiliser les assemblées locales et établir des mécanismes de coordination stables. Nous devrons trouver des moyens de combiner ancrage local et activités communes sans perdre de vue nos objectifs communs. Les propositions de consultation sociale formulées par certains militants de la Plaza Catalunya à Barcelone peuvent, avec d'autres initiatives, servir cet objectif. Deuxièmement, rechercher des liens avec la classe ouvrière, les militants et les syndicalistes militants, et maintenir la pression sur les principaux syndicats, déconcertés par un changement du paysage politique et social qu'ils n'avaient pas anticipé. Le défi consiste à déplacer la colère vers le lieu de travail, qui est encore dominé par la peur et la résignation. Troisièmement, préparer le 15 octobre comme date de mobilisation de masse et chercher à en faire une journée d’action mondiale à un moment crucial pour l’internationalisation du mouvement. Quatrièmement, combiner le développement d'un mouvement général, le « mouvement des indignad@s », qui critique le modèle politique et économique global actuel, avec les luttes concrètes contre les coupes budgétaires et les politiques qui cherchent à déplacer le coût de l'économie. crise sur les travailleurs.
Une étape se termine et une autre commence. Sans que nous nous en rendions compte, nous avons affaire à un mouvement dont nous commençons tout juste à découvrir le potentiel.
*Josep Maria Antentas est membre du comité de rédaction de la revue Viento Sur et professeur de sociologie à l'Université autonome de Barcelone. Esther Vivas est membre du Centre d'études sur les mouvements sociaux (CEMS) de l'Université Pompeu Fabra. Elle est également membre du comité de rédaction de Viento Sur. Ils participent au camp à Barcelone.
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