Meral Cicek interviewé par le Fondation Rosa Luxemburg's Florian Wilde lors du Forum Social Mondial de Tunis, traduit par Léandros Fischer
Meral Cicek (Ci-dessus) est originaire de Cologne et présidente de Kürt Kadın İlişkiler Merkezi, le Centre kurde pour les affaires des femmes à Erbil.
Le « printemps arabe » s’est transformé en « hiver arabe » dans de nombreux endroits. Le seul exemple où des éléments d’une forme alternative d’organisation sociale sont visibles est la région autonome du Rojava, au nord de la Syrie, qui est principalement habitée par des Kurdes. La gauche arabe a-t-elle réfléchi à cette expérience ?
Cela a été le cas jusqu’à présent, mais pas autant que nous l’aurions espéré. J’ai l’impression que la gauche arabe s’accroche encore aux concepts du XXe siècle, au nationalisme et à la fixation sur l’État. C’est là qu’un engagement envers les concepts et les stratégies du confédéralisme démocratique, tel que conçu par Abdullah Öcalan et actuellement mis en œuvre par le mouvement kurde, peut ouvrir une nouvelle perspective. Mais c’est aussi nous, la gauche kurde, qui avons le devoir de rechercher plus activement un échange d’opinions.
Vous êtes la présidente du Centre kurde pour les affaires des femmes à Erbil. Votre travail se concentre-t-il exclusivement sur le Kurdistan ou recherchez-vous le dialogue avec la région au sens large ?
Nous sommes une très jeune organisation. En fait, cela fait moins d’un an depuis notre création.
Nous essayons d'une part de renforcer les relations entre les organisations de femmes dans les quatre régions du Kurdistan et de développer une base plus profonde pour notre travail commun basé sur notre diversité. Nous participons à la construction d’un front uni des femmes au Kurdistan, surtout aujourd’hui face aux attaques de « l’État islamique ». Nous devons défendre notre dignité, notre peuple, notre genre et nos valeurs. Nous essayons d’autre part de communiquer les expériences de notre mouvement de libération des femmes au-delà du Kurdistan vers l’ensemble du Moyen-Orient.
L’Europe est depuis longtemps au centre de notre travail à l’étranger. Aujourd’hui, le Moyen-Orient est devenu plus central.
Le modèle de confédéralisme démocratique, comme celui que nous construisons au Rojava et basé sur l’autogestion, l’écologie et la libération des femmes, peut servir d’exemple pour d’autres luttes dans la région. Nous avons constaté lors du Printemps arabe que les populations n’étaient pas suffisamment préparées à un tel processus. Nous devons mieux nous préparer aux prochains bouleversements.
Dans quelle mesure l’impression selon laquelle le socialisme en tant qu’objectif final et en tant que méthode s’est estompée au sein du mouvement kurde au profit d’autres concepts est-elle valable ?
Je ne pense pas que nous nous éloignions des concepts socialistes. Le mouvement de libération kurde de gauche a toujours été inspiré par le socialisme et l’est toujours. Mais il tente de développer davantage théoriquement l’idée du socialisme et de lier les différentes luttes au Moyen-Orient à une perspective socialiste.
Le changement de paradigme au sein du mouvement kurde est le résultat de notre réflexion sur l’effondrement du « socialisme réellement existant », qui a donné naissance à une série de concepts entièrement nouveaux comme le communautarisme, le confédéralisme démocratique et l’autonomie démocratique. Mais ce que nous entendons par là est essentiellement une forme de socialisme démocratique pour le 21e siècle.
Quelle est l’importance du Forum social mondial (FSM) de cette année pour la gauche kurde ?
La question sociale et la conception de la société en général ont acquis ces dernières années une importance croissante pour le mouvement de libération kurde. Le FSM nous donne l'opportunité de converser avec des mouvements de gauche, socialistes, féministes et populaires du monde entier, de présenter notre propre lutte ainsi que d'avoir des impressions d'autres luttes. C'est pourquoi c'est un événement si important pour nous et nous essayons de participer au programme avec une série de rencontres.
[Cette traduction a été financée par la Fondation Rosa Luxemburg. L'interview fitrs est parue en allemand sur Junge Welt au 28 mars 2015: https://www.jungewelt.de/2015/03-28/037.php. Il est également disponible en néerlandais à : http://actievoorrojava.nl/we-moeten-voorbereid-zijn-op-omwentelingen/.]
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