Peut-être que le président afghan Karzaï a pris au sérieux le slogan de campagne d'Obama, dans la mesure où son premier message au président élu parlait directement de la nécessité d'un changement. La « demande » de Karzaï qu’Obama « mette fin aux pertes civiles » a été déclenchée par la frappe aérienne du 3 novembre en soutien aux troupes terrestres dans la province de Kandahar, révélée par Karzaï et qui aurait tué une quarantaine de civils, pour la plupart des enfants. "En bombardant l'Afghanistan, la guerre contre le terrorisme ne peut pas être gagnée", a déclaré le dirigeant afghan au président élu via les médias internationaux.
Les premiers rapports ont peut-être sous-estimé les dégâts, car les habitants du district de Shah Wali Kot estiment le bilan à 90 morts et de nombreux blessés, dont la plupart seraient des participants au mariage. Les habitants ont également affirmé que des soldats canadiens étaient impliqués dans l'opération visant les insurgés talibans, bien que l'armée canadienne le nie.** Ces meurtres marquent au moins la cinquième fois depuis l'invasion de 2001 que des bombes américaines déchirent les membres d'un mariage afghan.
L'indignation de Kandahar a été rapidement suivie par des frappes aériennes du 5 novembre dans la province septentrionale de Badghis, qui ont tué sept civils ainsi que des combattants insurgés. Mais malgré l'appel de Karzaï, les attentats à la bombe, ainsi que les Il est peu probable que les morts civiles prévisibles soient réduites car elles constituent l’épine dorsale de la stratégie anti-insurrectionnelle américaine. En effet, les victimes de cette semaine sont mortes malgré les affirmations de l'OTAN en septembre selon lesquelles elle avait modifié ses règles en matière de frappes aériennes afin de réduire les risques de pertes civiles.
Bien qu’il soit trop tôt pour dire quel impact la présidence d’Obama aura sur la campagne militaire en Afghanistan, les planificateurs de guerre espèrent une offensive de charme présidentielle qui pourrait bien gagner un soutien renouvelé de la part des alliés de l’Amérique qui ont été aliénés par l’administration Bush. Un « coup de pouce d'Obama » pourrait ainsi mobiliser des milliers de soldats supplémentaires pour une guerre dont les bénéficiaires visés – la population afghane – ont déjà commencé à se retourner contre la présence militaire étrangère. "Au lieu de nous éloigner du monde", a déclaré le candidat Obama dans un discours majeur, "je veux que l'Amérique, une fois de plus, prenne les devants".
Les principales cibles de l’élan diplomatique d’Obama sont les citoyens d’Europe occidentale. Le correspondant européen Doug Saunders, écrivant dans le Globe and Mail, rapporte que « les responsables militaires et gouvernementaux » aux États-Unis et en Europe sont optimistes quant à la capacité d'Obama de « convaincre le public européen sceptique » et d'obtenir des contributions militaires majeures pour la guerre en Afghanistan.
Saunders ne prête aucune attention au mépris évident pour la démocratie de la part des responsables anonymes qu'il cite, dont l'un vient de Grande-Bretagne, où la majorité de l'opinion publique s'oppose à la guerre. Alors qu'un journaliste critique aurait pu construire son article autour de l'histoire d'un officier supérieur cherchant à saper la démocratie britannique, Saunders réserve plutôt sa colère aux responsables qui semblent sensibles aux souhaits du public. Plutôt qu'un acte d'obéissance à la volonté populaire, Saunders considère que ces rabat-joie « cherchent une excuse » pour retirer leurs troupes d'Afghanistan.
Les observateurs attentifs remarqueront que la question clé concerne donc le style d'Obama plutôt que son contenu ; les politiques, qu'elles soient celles de Bush ou d'Obama, sont essentiellement les mêmes, seule leur présentation est différente. Dans les pays dont les démocraties ont été affaiblies, seul le style d'un homme politique compte. Et, de l'avis d'un observateur européen, Simon Tisdall du Guardian, le style d'Obama sera « une hégémonie avec un visage heureux ».
** Alors que les Forces canadiennes ont abandonné depuis longtemps le district de Shah Wali Kot, des artilleurs canadiens y sont intégrés avec des unités américaines à proximité dans le Maiwand de Kandahar district.
Dave Markland édite un blog proposant une couverture et une analyse approfondies de la guerre en Afghanistan. (www.stopwarblog.blogspot.com)
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