Le rire du cimetière
Rolf Auer, le 7 mai 2013
On peut ressentir un frisson en passant devant un cimetière et en réalisant que notre vie sur Terre est limitée. Timor mortis me conturbe : la peur de la mort me dérange. Ensuite, on ignore mentalement le froid et on rit nerveusement : le rire du cimetière.
L’écocide – défini comme la destruction totale d’une zone de l’environnement naturel, notamment par l’action humaine – « par mille coupures » suscite également le rire du cimetière.
Parmi les réductions écocides figurent les déversements de pétrole dus aux ruptures de pipelines. Les ruptures de pipelines transportant du bitume brut sont particulièrement préoccupantes. Ces types de déversements de pétrole sont plus difficiles à nettoyer que les déversements conventionnels.
Les affections médicales contractées à la suite du contact avec des marées noires comprennent des lésions cutanées et un essoufflement. Les animaux sauvages qui ont ingéré du pétrole ont des maladies telles que des lésions cérébrales, des hémorragies internes, des lésions aux reins et à d'autres organes, le stress et la pneumonie. On pourrait facilement se demander si des maladies similaires ou identiques seraient transmises aux humains ou contractées par eux.
Un rapport récent intitulé « L'héritage d'un demi-siècle d'exploitation des sables bitumineux de l'Athabasca enregistré par les écosystèmes lacustres » – établit des liens entre l'exploitation des sables bitumineux en Alberta et les affections cancérigènes.
Les développements d'Alberta Oil Sands produisent du pétrole brut bitumineux. Il est corrosif et pour être transporté par pipeline, il doit être chauffé à des températures plus élevées que le pétrole brut conventionnel. Les pipelines sortant des sables bitumineux de l'Alberta se sont rompus 16 fois plus souvent que les pipelines de pétrole brut conventionnels.
Le bitume brut étant lourd, un déversement de pétrole brut pénètre dans le sol jusqu’à la nappe phréatique. Encore une fois, étant donné la corrélation entre les cas de cancer et la contamination par les produits chimiques bitumineux bruts dans les sables bitumineux, on pourrait facilement se demander si les ruptures de pipelines de pétrole brut produisent également de telles maladies.
Le pipeline Keystone XL proposé, s'il est construit, serait un pipeline de pétrole brut. Un scientifique travaillant à partir de données connues a estimé qu'environ 19 ruptures par décennie s'y produiraient. La canalisation 9 proposée par Enbridge, déjà sujette à des protestations, transporterait du bitume brut et traverserait le Canada de l'Alberta au Québec. Le pipeline Enbridge Northern Gateway, en Colombie-Britannique, serait également un pipeline de pétrole brut.
La comparaison des politiques de développement des ressources pétrolières entre la Norvège et le Canada révèle deux histoires très différentes. Le gouvernement norvégien utilise soigneusement ses bénéfices pétroliers pour les investir dans le pays à l’avenir, dans l’intérêt de sa population. Au Canada, le gouvernement Harper, parce qu'il dépend des revenus pétroliers, répond à la cupidité des compagnies pétrolières et permet que l'exploitation des ressources pétrolières se poursuive le plus rapidement possible, tandis que les besoins de la population sont négligés, passés sous silence avec des platitudes creuses telles que comme « des emplois, des emplois, des emplois » et ainsi de suite.
Parce que les compagnies pétrolières considèrent que les réglementations environnementales sont préjudiciables à leurs marges bénéficiaires généreuses et gonflées, Harper et ses collègues ont rapidement décidé de les assouplir, voire de les éliminer complètement. Là où plus d’un million de lacs et de rivières étaient autrefois protégés, seule une poignée le sont désormais, ouvrant ainsi la voie à la construction de pipelines. Les agences qui faisaient autrefois office de responsables de l’application des lois environnementales n’existent plus. Les peuples des Premières Nations touchés négativement par l’exploitation des sables bitumineux sont ignominieusement ignorés.
La trahison environnementale du Canada par Harper est totale. Le rire de Harper pourrait être un rire de cimetière. Cependant, les Canadiens auront le dernier mot lors des élections. Et comme le dit le proverbe : « Celui qui rit le dernier rit le mieux ».
ZNetwork est financé uniquement grâce à la générosité de ses lecteurs.
Faire un don